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lundi 15 août 2011

Arrière-grand-père

Kunakujin Zaïnula
Né en 1882, Bachkirie, district Ziantchourinski, village Bikberdino ; Bachkir ; formation primaire, sans parti ; exploitant individuel.
Arrêté le 11 décembre 1930.
Condamné : accusé selon les articles 58-8, 58-10, 58-13.
Condamnation : peine capitale ; fusillé le 7 février 1931. Réhabilité le 18 juillet 1989.
Source : Livre de la mémoire de la République Bachkortostan.
Commentaires :
Artticle 58-8 (abrégé) : Actes terroristes contre des représentants du pouvoir soviétique ou bien des militants des organisations révolutionnaires ouvrières ou paysannes.
Article 58-10 (abrégé) : Propagande pour le renversement ou pour l’affaiblissement du pouvoir Soviétique ou bien la propagande pour des crimes contre-révolutionnaires isolés.
Article 58-13 (abrégé) : Lutte active contre le mouvement révolutionnaire, pendant la période d’occupation d’un poste important sous le régime tsariste ou sous des gouvernements contre-révolutionnaires pendant la guerre civile.

vendredi 15 octobre 2010

Un des contes les plus saisissants de mon enfance. En biélorusse.

mardi 17 août 2010

ACHTUNG! Dies ist brouillon!
Laoshi.

Nous n’habitions ensemble que seulement depuis deux jours, et voilà qu’elle s’est mise à faire des raviolis. Je m’en suis réjouie. Elle m’a dit : « Si je fais des raviolis, c’est parce que ce soir doit rentrer Boyana. Elle était en vacances dans son pays… Elle a été d’abord mon étudiante, mais maintenant nous sommes devenues amies, nous nous connaissons déjà depuis trois ans. » Je me suis projetée vers « ce soir », où je devrais être une de trop, et je me suis sentie un peu mal à l’aise. « …Peut-être un an plus tard, toi aussi tu deviendras mon amie ». Elle m’a souri. Je me suis sentie encore plus mal à l’aise, je ne sais même vraiment pas pourquoi, peut-être parce que je croyais que l’amitié ne se négocie pas et ne se prévoit pas.
Je lui ai aidé à faire des raviolis. Elle me parlait tout le temps de Boyana, qui adorait les raviolis et qui devait avant tout venir chez elle dès son arrivée. Elle l’attendait.
…Il était déjà neuf heures, tout a été préparé et la cuisine nettoyée, mais aucun taxi ne s’arrêtait devant notre immeuble. J’étais dans ma chambre devant les manuels, mais j’avais du mal à me concentrer. Je sentais son attente remplir notre appartement… Dix heures passées, toujours rien. Je la devinais triste et inquiète dans sa chambre et je m’en sentais gênée, presque coupable.
Elle est sortie de l’appartement, je crois qu’elle ne pouvait plus attendre enfermée chez elle. Rentrée vers onze heures, elle avait un sourire soulagé, mais confus : Boyana était déjà rentrée, mais elle était allée directement chez elle, sans aller dire bonjour à Laoshi.
Il fallait donc mettre les raviolis au frigidaire, m’a dit-elle. J’ai baissé les yeux sans oser la regarder…

mardi 13 juillet 2010

Aujourd'hui j'ai enterré Léo.
Je déteste ce monde.

lundi 29 mars 2010

Ceux qui sont désagréables avec nous ne nous veulent pas forcement du mal et peuvent même nous rendre qqfois service.
L'exemple le plus marquant de cette vérité reste pour moi la professeure O.E. que j'ai eue à Syktyvkar. D'ailleurs, était-elle vraiment désagréable avec moi? Elle s'emportait facilement et aimait proférer des jugements de valeur qu'elle énonçait toujours avec le ton d'une irrévocable décision. Elle aimait "la vérité". De mon côté, j'ai toujours été qn de vulnérable et de rancunier, il m'a toujours suffit d'une seule phrase pour commencer à détester qn.
Un beau jour de l'hiver 1997, le matin, notre groupe d'étudiants se trouvait devant la porte close de notre salle d'étude. Nous étions très étonnées: d'habitude, notre professeure arrivait une demi-heure avant le début du cours. Cette fois, la porte était encore close après la sonnerie de 8h15. La règle voulait que l'on attende le professeur pendant 15 minutes, après quoi, les étudiants avaient le droit de partir. C'est ce que nous avons fait. Sans attendre la 16e minute, nous sommes toutes allées à la cantine boire du thé...
Pendant la récréation, je suis allée, en tant que déléguée de classe, à la salle des professeurs pour savoir si notre professeure était arrivée et pourquoi notre cours n'avait pas eu lieu. A côté de notre professeure, qui avait juste oublié de regarder un changement d'horaire, j'ai trouvé O.E. qui ne nous enseignait rien cette année et que nous ne connaissions que de vue. Très excitée, O.E. a commencé à me faire la morale, en vociférant. Nous aurions du aller la voir et lui demander la clé de notre salle pour y travailler seules. Les étudiants devenaient de plus en plus irresponsables etc. J'ai donc pris une douche froide pour tout notre groupe, après quoi j'ai eu le droit de me retirer... Faut-il vous dire que j'ai commencé à détester O.E.?
...Un beau jour du printemps 1998, je participais, pour la première fois de ma vie, à une conférence d'étudiants. Chaque année, au mois d'avril, notre département organise une conférence pour les étudiants de 3e, 4e et 5e années, où l'on présente les résultats du travail de "recherche", fait dans le cadre des différentes mémoires. Les étudiants de 1e et 2e années doivent y assister. A la fin de la conférence, on distribuent des prix... Cette année j'y participais aussi. En fait, je n'étais qu'en 2e année, mais j'avais été très tôt remarquée par le chef du département qui m'a fait commencer un travail de recherche dès la 2e année, et je n'ai pas eu le courage de refuser de participer à la conférence. Bref, je me suis retrouvée ce jour-là devant une petite centaine de personnes, étudiants et professeurs de notre département, à parler de "ma recherche". Je n'avais pas de feuilles de papier devant moi: à l'époque j'avais encore une mémoire assez bonne, suffisante pour ne pas oublier ce que je voulais dire pendant 15 minutes... On m'écoutait bien, sauf... Devant moi, un peu à gauche, il y avait un groupe de professeures, qui discutaient de leurs problèmes de plantation de tomates. C'était O.E. qui animait la conversation. Elles me gênaient. J'ai étouffé en moi l'instinct du professeur qui se traduisait par le désir de les interpeller... "Vos questions et vos remarques" - a demandé le chef du département, lorsque j'ai fini mon exposé, me retrouvant soudain dans un complet silence.
Une remarque est nécessaire. Je m'étais longtemps préparée à cette conférence. J'ai toujours très bien travaillé pour la faculté. La raison de cela était très particulière. J'étais à la faculté de mon père. Ici, tous les professeurs le connaissaient très bien, excellent étudiant d'il y a 25 ans, et continuant à venir de temps en temps à cette faculté. Même ceux des professeurs qui ne faisaient pas partie du département, en parcourant la liste des étudiants, s'arrêtaient toujours sur mon nom et s'exclamaient, tous sans exception, avec la même phrase: "Ah, mais c'est la fille de Valéry!" Je sentais tout le temps l'ombre de mon père peser sur moi, je n'existais aux yeux de mes profs que par lui. A chaque instant, c'était une comparaison minutieuse qui s'effectuait. Je n'avais pas droit à l'erreur, je devais être aussi excellente que lui. Je souffrais beaucoup de cette responsabilité écrasante, étant à la fois trop docile et trop fière pour changer cette situation, par exemple, en changeant de faculté...
"Vos questions et vos remarques"- a demandé le chef du département. Mon coeur a tressailli lorsque j'ai vu O.E. se lever. Elle m'a toisée du regard, puis elle a enveloppé d'un regard toute la salle avec une centaine d'étudiants et des professeurs du département et a dit de sa voix sonore: "Ah, mais c'est la fille de Valéry!" J'ai lâché un juron dans mon for intérieur. ..."Et bien, je dois vous dire, que la fille a dépassé son père!"
D'un seul coup, et pour toujours, je me suis sentie libérée...

jeudi 18 mars 2010

La craie.
J'avais l'habitude de jouer toute seule. Trop petite encore pour aller à l'école, sans frère ni soeur, sans jardin d'enfant à côté, j'ai appris à être autonome dans mes jeux. Je flânais autour de l'école où nous habitions et où mes parents travaillaient, en m'imaginant être tantôt le chat des musiciens de Brême, tantôt le petit renard Ludovic...
Un jour, fouinant à côté des hangars de l'école, j'ai trouvé un morceau de craie long comme ma main. Trouver un petit morceau de craie n'était pas une chose extraordinaire, il y avait des stocks de craie dans le hangar, mais un morceau si long - un vrai trésor. Folle de joie, j'ai couru avec la craie tout droit jusqu'à tomber sur Ira, la fille aînée de la directrice d'école. Ira avait un an de plus que moi et elle allait à l'école. Elle se croyait donc adulte. "Regarde ce que j'ai trouvé!" Je n'ai pas pu m'empêcher de me vanter de ma trouvaille. Les yeux d'Ira se sont mis à briller. "Donne-la moi pour regarder!"
Mon plus grand défaut a toujours été ma naïveté. Sans trop réfléchir, je lui ai tendu ma craie. Ira l'a prise, l'a regardée et... l'a laissée dans ses mains. "Rend-moi la!" Des soupçons ont fini par traverser mon esprit... "Non". J'ai tout compris. Etre si naïve pour donner son trésor parce qu'on te le demande pour le regarder! Mais, d'un autre côté, comment peut-on être si malhonnête?! J'étais profondément vexée. J'ai essayé de reprendre ma craie par la force. En vain! Ira avais un an de plus que moi et elle était d'une tête plus haute que moi. Elle leva le bras avec ma craie dans sa main, et même en sautant je ne pouvais pas l'attraper. C'était un comble! Ai-je jamais senti un tel sentiment d'injustice plus qu'à ce moment? J'étais en rage. Je ne sais trop ce qui c'est passé ensuite, j'ai du sortir toutes mes griffes et toutes mes dents, mais une minute après je serrais de nouveau ma craie dans mes mains, arrachée presque avec la chair de l'adversaire, et je m'éloignais en soufflant...
Je suis rentrée chez moi en vainqueur, sur un char de triomphe et une couronne de laurier sur ma tête... Quand j'ai raconté mon exploit à ma mère, elle dit: "Maintenant je comprends. J'ai croisé Ira, elle était toute rouge et elle soufflait comme une locomotive..." Ensuite, elle a demandé à mon père qu'il nous fasse nous réconcilier. Nous sommes sortis avec mon père, Ira jouait non loin de chez nous. Mon père l'a appelée, puis il a pris ma craie, l'a cassée en deux morceaux égaux et a tendu un morceau à chacune... Les grandes personnes ne comprennent jamais rien! Ma craie n'avait d'intérêt qu'entière. Recevant chacune un petit morceau de craie, nous n'avions plus d'intérêt pour lui. J'étais déçue. "Mon dieu!, - disait ma mère, - à cause d'un morceau de craie..."

vendredi 5 mars 2010

Tetris.
Aux alentours de ma 12e année, le Père Noël nous a offert, pour la fête de Nouvel An, un jeu électronique - tetris. Ma soeur étant encore trop petite pour ce type de jeu, c'était moi et ma mère qui nous disputions le droit d'y jouer. Le jeu était très captivant, nous pouvions passer des heures à appuyer sur les boutons... Je jouais mieux que ma mère, mais il m'a quand même fallu beaucoup de temps pour réussir à passer le niveau 9 du jeu, le plus avancé. Les pièces du jeu descendaient très vite, et il fallait être très adroit pour les caser là où il le fallait. A un certain moment, lorsque l'attention diminuait d'un rien, arrivait la première erreur, qui entraînait tout de suite une série d'autres, très vite, les pièces en désordre atteignaient le bord supérieur de l'écran et le jeu se terminait.
Au moment où l'on voyait la première erreur, on avait le choix entre reprendre vite ses esprits et essayer de la corriger, ou bien laisser tomber toutes les pièces, terminer cette partie (par un échec), et recommencer une autre. Le plus souvent, je choisissais la deuxième solution, trop accablée par l'erreur... Alors, je regardais tomber les pièces de tetris, dans le désordre, j'avais un fort sentiment d'impuissance, de déception, de qch d'incontrôlable et de dépassant mes forces...

Après les vacances du Nouvel An 2002, je devais rentrer à SPb, le billet de train avait déjà été acheté. J'avais 22 ans, j'étais en 1 année de doctorat, et je devais commencer mon stage pédagogique à la faculté de RGPU au deuxième semestre. Je quittais notre village un soir de janvier, pour aller en bus à Syktyvkar (où je devais prendre mon train). Comme toujours dans ces cas-là, je passais par la rue de mes grand-parents, pour leur dire au revoir. Comme toujours... Tout était comme toujours, sauf mon grand-père. Il avait un cancer de poumon, diagnostiqué très tard, et il était en train de mourir lentement, sans même savoir de quoi il souffrait (on lui cachait le diagnostique). Il était tout le temps allongé sur son canapé, sans force, avec des douleurs partout. Ma grand-mère connaissait la maladie de mon grand-père et souvent pleurait en cachette. L'état de mon grand-père se dégradait de jour en jour: selon les médecins, il ne lui restait plus beaucoup de temps...
Ce soir-là, je savais, que j'allais le voir pour la dernière fois. C'était l'homme le plus proche de moi, non seulement parmi toute ma famille, mais parmi tout le monde des êtres vivants. Mon unique ami. Je savais qu'il ne fallait pas pleurer devant lui, j'avais des bourdonnements dans ma tête, et je n'imaginais pas lui dire adieu...
Juste avant notre sortie de la maison de mes parents (mes parents m'accompagnaient tous les deux), l'électricité dans tout le village a été coupé. Cela arrivait souvent dans le village, à cause des vents violents et du froid, on y était habitué.
Lorsqu'on est arrivé chez mes grands-parents, ma grand-mère avait déjà allumé une bougie dans la cuisine. Mon grand-père était allongé dans le salon.
Je suis entrée chez lui, ma grand-mère a apporté une bougie qu'elle a mis sur la table. J'étais devant lui. Je repoussais la conscience d'une "Dernière fois". Ma voix se devais d'être optimiste et encourageante, pensais-je. "Grand-père! Je pars! Allez, soigne-toi bien!" Il s'est tourné vers moi, sans se lever. "Oui, vas-y". Il était dans la pénombre, la flamme de la bougie avait des spasmes violents, les ombres dansaient sur son corps. Il m'a tendu sa main. "AU REVOIR, Grand-père". Sans tourner la tête, j'ai vu derrière mon dos ma grand-mère prendre le bout de son fichu dans sa bouche pour étouffer des sanglots, ma mère pleurait sans aucun bruit dans le noir à deux pas de moi. Mon père a disparu. Tout était presque surréaliste, comme dans un cauchemar.
...Le temps de lui tendre ma main m'a paru d'être une éternité et en même temps le temps le plus court qui soit. Je ne devais pas pleurer! Je serrais sa main, et le monde s'écroulait autour de moi...
Tetris, tetris...
Les pièces incontrôlables tombent avec une vitesse effrayante. Elles m'anéantissent, détruisent le monde qui est le mien.
Tetris, je ne connais pas de pire sentiment.

jeudi 25 février 2010

"Autobiographie" de mon grand-père. (1)

C'est une ébauche de traduction de l'autobiographie de mon grand-père paternel. Le travail n'est pas facile, parce que mon grand-père ne parlait pas bien russe. Le texte russe contient donc beaucoup d'erreurs de langue, mais en même temps, cela lui confère un caractère tout particulier, les erreurs de mon grand-père étant caractéristiques des personnes d'origine asiatique (asiatiques-russes). Comment garder cette particularité du texte? Je ne le sais pas.

Autobiographie.

Moi, Kounakoujin Gaïnoula Zaïnoulovitch, je suis né le 24 août 1924 dans le village N. Bikberda (Bourangoulovo) du Soviet de la localité rurale Bikbaevskij du district Ziantchourinskij de la République Soviétique Socialiste Autonome Bachkir.

Je me souviens, que nous vivions dans une petite izba, construite sur quatre piliers, sans plancher. On avait très froid dans cette izba, surtout en hiver, on dirait que le vent soufflait à l’intérieur.

Nos vêtements étaient pour la plupart cousus de tissus fabriqués artisanalement. C’était ma mère qui les tissait à partir des fils de chanvre. Voilà ce qu’il faut faire pour obtenir le filé de chanvre : semer le chanvre, le récolter quand il est mûr, le sécher, puis le faire tremper dans une rivière pendant environ un mois (il faut constituer des faisceaux de chanvre, les mettre dans une rivière et poser un poids dessus pour que les faisceaux ne remontent pas). Ensuite on sort le chanvre de la rivière, on le sèche et, après le traitement nécessaire, on en fait le filé (ou, comme on dit, le fil). Avec ce tissu artisanal, ma mère nous faisait des chemises, des pantalons.

Nous étions quatre : la mère et nous, trois frères. J’étais l’aîné. Le deuxième frère, né en 1927, est mort en 1936, d’une maladie inconnue.

A l’époque, pendant la guerre, dans nos villages et même aux alentours, il n’y avait pas de médecins, sauf dans le centre du district. Il n’y avait non seulement pas de médecins, mais aussi pas d’aide-médecins. Et maintenant, après 70 ans du pouvoir soviétique, il n’y en a toujours pas, bien que dans certains villages il y ait des aides-médecins.

Ma mère travaillait seule dans le kolkhoz, et nous n’avions aucune aide de nos parents. Il lui fallait nous habiller, nous nourrir et nous éduquer. Les récoltes étaient très très mauvais à cette époque. Les grains, on en donnait 50 – 100 grammes pour un « point de travail », mais parfois on n’en donnait pas du tout. Les impôts étaient très élevés. Il fallait fournir obligatoirement : de la viande, du beurre, des œufs, des peaux, de la laine, et en plus il y avait un impôt en argent et l’« emprunt d’Etat ». Il fallait payer tous ces impôts, pour cela il fallait vendre quelque chose. Et parfois on vendait donc les derniers grains. Bien qu’ainsi nous restions nous-mêmes sans pain, on nous laissait la vache. Parce que si nous n’avions pas payé les impôts, on nous aurait confisqué la vache.

jeudi 11 février 2010

Le plus beau cadeau d'anniversaire.
Mes anniversaires n'étaient jamais très joyeux, la fin de l'été correspondant à la fin des vacances et, par conséquent, à l'épuisement total de l'argent touché par mes parents au début des vacances (mes parents étant tous les deux professeurs). Non que je n'avais pas de cadeaux, mais c'étaient souvent des choses purement symboliques (surtout à la période de la Pérestroïka). Pourtant, le plus beau cadeau qui m'ait été fait, n'a pas coûté un rouble à mes parents. Pour mes 14 ans, on m'a offert... mon arrière-grand-père. En fait, ce cadeau n'était pas prévu par mes parents, tout simplement, j'ai commencé à établir l'arbre généalogique de notre famille, et profitant une fois de plus du rassemblement de toute la famille pour mon anniversaire, j'ai posé des questions à mes grand-parents concernant leurs parents. J'avais déjà entendu ma grand-mère parler de son père, mais je le croyais mort. Et bien, je m'étais trompée, il était vivant!
C'était un très beau cadeau, mon arrière-grand-père! Un vrai descendant de la noblesse polonaise ou biélorusse-polonaise, professeur, directeur d'une école, communiste, héros de la deuxième guerre mondiale (il fut commandant militaire de Varsovie après la libération de cette ville), mais aussi chasseur, buveur, homme aux passions coûteuses et aux manières de gentilhomme, fier et exemplaire, bref, un arrière-grand-père de rêve. Eh bien, le jour de mon anniversaire j'ai appris son existence et j'en étais ravie! Le seul petit problème était qu'il vivait en Biélorussie, et nous - au fin fond de la taïga komi, entourés d'anciens camps de goulag. Mais, honnêtement, pour moi, cela n'était pas un grand problème, j'étais déjà assez heureuse avec la seule connaissance de son existence, et puis, je savais déjà écrire des lettres!
Mon cadeau est mort avant que je puisse lui écrire une seule lettre... J'avoue que j'étais déçue.
Mais malgré tout, ce cadeau m'a enrichi pour toute ma vie: j'ai commencé à réfléchir au sujet du destin, j'ai eu l'intérêt envers le passé des individus (le passé en tant qu'histoire ne m'intéresse point), envers les motifs de leurs actes. Pour la première fois je me suis rendu compte de la grandeur de La Mémoire Humaine, qui peut décider si tel homme devait mourir pour toujours ou bien survivre pour les siècles à venir. Cette découverte m'a bouleversée, comme si j'avais trouvé là un secret d'immortalité. Je me suis acharnée à retrouver tous les survivants de notre famille (des parents éloignés) au quatre coins de l'ancien URSS pour recueillir toutes les informations sur le passé de notre famille. C'était une course contre la montre: la plupart de mes correspondants avaient autour de 80 ans. Je me battais avec le Néant. Avec chaque nouvelle lettre je lui arrachais un morceau de plus de la vie de quelqu'un...
Je dois avouer: je n'ai pas su être efficace, à 15 ans, on a beaucoup d'autres choses à faire. En fin de compte, je n'ai qu'une vingtaine de lettres que je n'ai jamais organisées sous la forme d'un quelconque texte de synthèse. Je sais qu'un jour je devrais m'en occuper: à la conscience du combat avec le Néant s'ajoute le sens de la responsabilité. Tout les correspondants de mes 15 ans sont déjà morts. Ils savaient tous ce que j'étais en train de faire, et ils y comptaient.
Aurais-je un jour, à mon tour (comme R. Gary), une possibilité d'annoncer à la reine d'Angleterre qu'"Au n°16 de la rue Grande-Pohulanka, à Wilno, habitait un certain M. Piekielny"?

lundi 8 février 2010

Aujourd'hui, le 8 février, j'ai reçu un papier du ministère disant que j'ai acquis la nationalité française.
L'ironie du destin: aujourd'hui, c'est aussi l'anniversaire de mon grand-père maternel, celui qui était le plus proche de moi. Il aurait eu précisément 80 ans. Quand il est parti, j'étais encore à SPb et je ne pensais même pas à aller en France.
Qu'en aurait-il dit?...